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Des défenseur-e-s des droits humains demandent aux entreprises membres du Consumer Goods Forum de prévenir la violence et les assassinats dans leurs chaînes d’approvisionnement

Des mesures plus fermes s’imposent dans les chaînes d’approvisionnement en produits de base afin de protéger des communautés

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Photo ci-dessus : Les fruits de palmiers à huile récoltés sont empilés sur le bord de la route à Montes de Maria, en Colombie

« La chaîne d’approvisionnement agroalimentaire est l’une des plus risquées pour les défenseur-e-s des droits humains et les communautés », a déclaré Michel Forst, ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, dans le cadre d’un événement tenu par l’Initiative tolérance zéro hier.

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« Le Consumer Goods Forum – plateforme stratégique pour les détaillants et les producteurs de produits dérivés de l’huile de palme et du soya, entre autres – peut jouer un rôle essentiel pour ce qui est de faire avancer le débat sur les droits humains et améliorer les pratiques des entreprises concernant les défenseur-e-s des droits humains et de l’environnement », a affirmé Forst.

 

D’après Global Witness, le nombre d’assassinats de défenseur-e-s des droits humains dans le secteur agroalimentaire a augmenté de 60% l’année dernière, la plupart des victimes étant des autochtones.

 

Forst a exhorté le Consumer Goods Forum « d’intégrer les recommandations contenues dans la  lettre des ONG dans les feuilles de route relatives aux produits de base et dans les consultations devant encore être menées auprès des parties prenantes ».

 

« Le temps presse », a-t-il dit. « Les informations [faisant état d’attaques] sont implacables : le monde est plus meurtrier que jamais pour les défenseur-e-s des droits fonciers et environnementaux, pour ceux et celles qui mettent au jour les abus des entreprises. »

Les conflits fonciers sévissent en Indonésie

 

Intervenant dans le cadre du même événement, une représentante de communautés autochtones d’Indonésie a déclaré : « [En Indonésie], les entreprises n’obtiennent pas de droits légaux pour l’acquisition de terres, mais elles vont de l’avant et s’accaparent des terres, défrichent des forêts et y installent/exploitent des plantations. »

 

« C’est leur modus operandi. »

 

« Nous espérons que le Consumer Goods Forum peut essayer de déterminer quelle est une bonne entreprise qui fonctionne et remplit ses obligations, notamment dans le cadre de procédures de la RSPO. En consultant des documents, nous constatons que les peuples autochtones ne sont souvent pas véritablement représentés dans la prise de décisions [en ce qui concerne] la certification des plantations de palmiers à huile », a-t-elle ajouté.

 

« Il y a eu 30 cas de conflits fonciers et de problèmes avec les sociétés de production d’huile de palme et les peuples autochtones au Kalimantan central le mois dernier », a-t-elle affirmé. « Des peuples autochtones qui défendent leurs terres sont réprimés par la police et la Brimob [unité d’opérations spéciales de la police indonésienne]. Ils sont criminalisés. »

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Des défenseur-e-s de l’environnement pris pour cibles au Paraguay

 

Ce même problème est répandu partout dans le monde.  Un dirigeant communautaire et défenseur des droits humains autochtone du Paraguay, intervenant dans le cadre de l’évènement, a réitéré ses préoccupations et ajouté à quel point la vie était devenue plus difficile depuis le début de la pandémie de Covid-19.

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« Le soja est le principal produit au Paraguay », a-t-il dit.  « Il provoque des conflits internes, la migration de familles autochtones. Il provoque de graves sécheresses, qui ont un impact sur l’écosystème. Et maintenant, pour couronner le tout, s’est ajoutée la pandémie. »

 

“[Au Paraguay] nous travaillons tous pour donner de la visibilité aux défenseur-e-s des droits humains, et c’est ce que nous faisons avec beaucoup d’effort avec les communautés », a affirmé le dirigeant communautaire.

 

« C’est particulièrement important en ces temps de pandémie, alors que le gouvernement nous demande de rester à la maison sans aucune sorte de politique en matière de soins de santé et d’alimentation », a-t-il ajouté.

 

« Même six mois après le début de la pandémie, nous avons constaté que ce qui touche le plus les membres de la famille autochtone, c’est la faim.  Pendant cette période, la déforestation a créé beaucoup de conflits concernant les zones autochtones en raison du manque de sécurité. »

 

Le dirigeant communautaire a expliqué que les autochtones du Paraguay font face au racisme et à des politiques et attitudes discriminatoires, notamment de la part d’éleveurs de bétail non autochtones qui restreignent l’accès des communautés autochtones à leurs terres ancestrales, limitant leur liberté de se livrer à leurs activités de subsistance traditionnelles sur leurs terres ancestrales. «

 

Même au 21ème siècle, nous continuons à faire l’objet de racisme au Paraguay », a affirmé le dirigeant.

 

« Comme peuples autochtones vivant sous la menace, nos appels ne sont pas entendus. Il nous faut lancer un SOS – un appel à l’aide d’urgence du fait que nous subissons un tel niveau de menace et de préjudice », a-t-il ajouté.

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Les droits humains attaqués en Colombie

 

En Colombie, qui était le pays le plus dangereux du monde pour les défenseur-e-s des droits humains et de l’environnement en 2019, les communautés locales sont confrontées aux mêmes problèmes.

 

« Sur le territoire de Montes de María, non seulement notre population est menacée physiquement par des groupes armés illégaux, mais nos moyens de subsistance et notre sécurité alimentaire sont aussi gravement menacés par les vastes plantations de plantation de palmiers à huile qui ont occupé la région », a déclaré une défenseure des droits humains et dirigeante d’une communauté afrodescendante.

 

« Plusieurs des conflits peuvent être attribués à des problèmes fonciers et à l’inégalité d’accès à la terre », a-t-elle signalé.

 

Les communautés de Montes de María dépendent de la pêche et de l’agriculture et les vastes monocultures de palmiers menacent leurs moyens de subsistance.

 

« Les plantations de palmiers à huile sont dans les bassins versants », a affirmé la dirigeante communautaire. « Les communautés en subissent les effets – des substances chimiques entrent dans l’eau, qui n’est donc plus potable.  Cela entraîne aussi la déforestation. »

 

« Plusieurs de nos communautés sont maintenant entourées de plantation de palmiers à huile et ont perdu leur accès à l’eau, aux puits et aux ressources de subsistance », a déclaré la dirigeante.

 

« Les plantations utilisent des produits chimiques qui entraînent des conséquences sérieuses et graves pour nos commautés, [tandis qu’en même temps] les monocultures de palmiers empiètent sur nos réserves hydriques et forestières. »

 

« Ce que nous demandons, c’est que les entreprises, l’UE et d’autres marchés respectent les garanties des droits humains établies par les Nations Unies », a-t-elle affirmé.

Mali Ole Kaunga a été invité à évaluer les accords conclus lors de la COP26 et à déterminer s'ils s'attaquent aux causes profondes des attaques contre les dirigeants autochtones. Il a exprimé sa frustration face à la disparité entre le débat sur les droits de l'homme et la mise en œuvre des droits de l'homme dans les nouveaux accords.

 

« Nous savons que les questions de justice climatique sont des questions de droits humains. Je me sentais frustré que certaines parties ne l’acceptent pas alors qu’il s’agit d’une question aussi cruciale.

 

Il a également mentionné que les investissements dans l'exploration pétrolière et gazière étaient réalisés au Kenya par des pays riches et développés qui comptent parmi les principaux pollueurs.

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« J'ai trouvé intrigant, ou plutôt étrange, qu'ils acceptent de limiter le réchauffement climatique, de s'attaquer aux problèmes [climatiques] et d'investir beaucoup plus dans les énergies propres, alors que ce sont eux qui investissent dans l'exploration pétrolière […] C'est frustrant, comme je le pense. Je n’ai pas trouvé beaucoup d’honnêteté lorsqu’il s’agissait de questions liées aux contributions déterminées au niveau national.

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Photo ci-dessus : Forêt brûlante à Santa Clara de Uchunya, Ucayali, en Amazonie péruvienne. Crédit : Carlos Hoyos Soria, janvier 2018

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Défenseurs autochtones menacés au Pérou

 

Un dirigeant autochtone d’Ucayali dans l’Amazonie péruvienne a décrit les impacts de la société de production d’huile de palme Ocho Sur P sur les populations locales.

 

« Cette entreprise a détruit notre mode de vie.  En pleine pandémie, elle a continué à fonctionner sans autorisation ni permission.  Cette entreprise ne respecte as les droits des peuples autochtones. »

 

« Ocho Sur P fournit des palmiers à huile à OLPESA, OLAMSA, Rossel et Palm Oleo, entre autres.  Ces entreprises fournissent de l’huile de palme à la plus grande société de biens de consommation du Pérou, Alicorp. Entre 2013 et 2019, 25 % de l’huile de palme exportée du Pérou provenait d’Alicorp.

 

« Alors même que la RSPO continue d’enquêter au sujet de la plainte que nous avons déposée contre OLPESA il y a un an et demi, nous avons appris qu’OLPESA fait partie des fournisseurs de Nestlé, membre du CGF », a déclaré le dirigeant autochtone.

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Les entreprises doivent faire respecter les droits humains

 

Comme le démontrent ces comptes rendus locaux, les entreprises doivent prendre des mesures plus rigoureuses et assurer des garanties plus solides aux personnes qui essaient de défendre leurs foyers, leurs terres et territoires, leurs droits fondamentaux, leurs modes de vie et leurs forêts contre la production nocive de produits de base.

 

Dans son intervention, Michel Forst a souligné que « dans mes déclarations aux Nations Unies, j’ai essayé de faire ressortir les liens existant entre la violence, la répression, l’intimidation et les conflits fonciers et environnementaux ».

 

« J’ai aussi demandé aux entreprises de prêter une attention particulière aux droits fonciers et d’assurer une diligence raisonnable rigoureuse pour éviter les conflits fonciers dans le cadre de leurs efforts de protection des défenseur-e-s des droits humains et de l’environnement et de leur responsabilité de faire prévaloir les Principes directeurs des Nations Unies. »

 

Plusieurs entreprises, ainsi que Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, ont déjà reconnu la nécessité et l’obligation d’exercer une diligence raisonnable en matièrre de droits humains et d’adopter des politiques visant à protéger les défenseur-e-s des droits humains, notamment le Protocole La Esperanza  pour mettre fin à l’impunité et assurer l’accès à la justice, et l’Accord d’Escazu  pour les Amériques.

 

Quelques entreprises et organismes du secteur, comme la RSPO, ont élaboré leurs propres politiques concernant les défenseur-e-s des droits humains, mais il reste encore beaucoup à faire pour s’assurer que ces politiques sont appliquées dans la pratique.

 

« Pour la plupart, les initiatives menées par des entreprises offrent souvent des approches individuelles, quand nous connaissons tous la dimension collective de ces conflits », a déclaré Forst.  « Il n’existe pas d’approche holistique de la protection et de la prévention des conflits avec les communautés. »

 

« Les États et les entreprises doivent s’attaquer à certains des principaux détonateurs de conflits environnementaux – tels que le déséquilibre de pouvoir, la marchandisation de la nature, l’impunité et le modèle de développement actuel – pour assurer des solutions à à long terme », a-t-il dit.

 

Dans son allocution de clôture de l’évènement, Forst a affirmé que le respect et la protection des défenseur-e-s des droits humains ne sont pas facultatifs.  « Ils sont intimement liés aux obligations internationales et aux engagements pris par les États concernant la protection des libertés et des droits fondamentaux et les Objectifs de développement durable », a-t-il souligné.

 

« Il est grand temps que tous les acteurs, les États, les entreprises et les investisseurs en particulier, comprennent que les défenseur-e-s ne sont pas l’ennemi, mais bien des alliés indispensables qui contribueront à créer un avenir meilleur et plus sûr pour tout le monde. »

Yana Tannagasheva, Sibérie

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Yana Tannagasheva, représentante du peuple autochtone Shor de Kuzbass, dans le sud-ouest, a donné un aperçu de la situation de sa communauté et de la manière dont elle a été affectée par l'extraction du charbon.

 

« La production de charbon dans ma région constitue une violation et un trouble des droits de l’homme. Les gens qui refusaient de vendre leurs maisons aux compagnies charbonnières les ont incendiées. Les compagnies charbonnières entourent nos villages shor natifs. L'incendie du village Kazas a été discuté au sein du comité CERD de l’ONU. C’était le village de ma famille et il a été détruit.

 

« [En tant que défenseur des droits humains] je reçois des menaces concernant mes enfants. Nous étions sous surveillance constante des services de sécurité russes. Ceux qui défendent les droits de leurs peuples sont aux yeux des autorités des extrémistes et des terroristes.»

 

Conséquence directe de son discours, un membre de l'équipe du Rapporteur spécial sur la situation des DDH a offert son soutien à Yana.

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AIDESEP, Pérou

 

Défenseur des droits humains péruvien et représentant deAIDESEP ont choisi de ne pas divulguer leur nom pour des raisons de sécurité. Ils ont développé certains des accords conclus lors de la COP26 et expliqué comment ces accords pourraient s'attaquer efficacement aux causes profondes des attaques contre les défenseurs des droits autochtones au Pérou.

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« Je pense qu'il existe des accords ambitieux de la part des États, mais cela ne prend pas en compte notre travail en tant que défenseurs des droits de l'homme. Les accords internationaux ne tiennent pas compte des personnes qui vivent dans les forêts et qui en prennent soin. Notre participation à ces espaces est vitale. Les accords conclus par les États ne sont que des paroles, nous ne participons pas aux décisions. Ce sont les gouvernements et les États qui prennent les décisions qui affectent nos vies.

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La deuxième partie de la discussion comprenait une séance de questions-réponses avec le public au cours de laquelle il y avait des demandes de précisions sur « l'approche sensible aux conflits » ou « l'approche sans danger » partagée par Mrinal ainsi que plus d'informations sur la décision de justice affectant le lac Turkana. cas, et réflexions sur un résultat clé de la COP26 sur la finance carbone dans l'article 6 où il n'y a pas de reconnaissance explicite des droits fonciers, territoriaux et sur les ressources, ainsi qu'aucune exigence de CLIP. 

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Mrinal Kanti Tripura, Bangladesh

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Mrinal Kanti Tripura, directeur de la Fondation Maleya au Bangladesh, a également été sollicité pour dresser un bilan de la COP26.

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« Il y a 1,7 milliard de dollars réservés aux peuples autochtones. La question est de savoir comment aurons-nous accès à ce financement ? Il existe de nombreuses règles, procédures et exigences que les organisations autochtones ne peuvent pas respecter. Nous devrions pouvoir accéder facilement à ce financement.

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« Tout dépend de la terre et des forêts. C’est très lié, nous ne pouvons pas isoler le changement climatique des autres problèmes. La vision du monde des peuples autochtones est holistique. Si les dirigeants du monde comprennent vraiment que nous devons sauver la planète, je ne vois pas pourquoi ils ne sont pas d’accord avec les revendications des peuples autochtones. »

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« Nous disposons de bonnes normes internationales comme la convention OIT169, UNDRIP, donc tout espace mondial doit respecter les normes internationales déjà établies. »

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Mrinal a également mentionné une approche sensible aux conflits, qui serait essentielle pour garantir que les actions se déroulant sur les terres communautaires ne créent pas davantage de problèmes.

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« Les acteurs étatiques et non étatiques qui viennent sur les territoires autochtones pour faire face à la crise climatique pourraient créer de nouveaux conflits. Il doit y avoir une analyse détaillée de la part de ces acteurs, incluant les peuples autochtones sur le terrain, pour éviter un tel conflit.

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Le webinaire a été un espace vital permettant aux défenseurs des droits humains de sensibiliser aux menaces auxquelles ils sont confrontés sur le terrain et à la manière dont la mise en œuvre de la législation internationale et des Principes directeurs doit être améliorée afin de les protéger efficacement.

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